Dissimilarium 2.0
a propos
Golnaz Behrouznia se fait connaître depuis plusieurs années par un travail plurimédia enté sur la chose vivante. Les formes qu’elle développe patiemment, depuis son passage par les Beaux Arts à Téhéran et la Création Numérique à Toulouse, ne sont pas sans parenté avec ce que nous savons de l’organisation de la vie : on peut reconnaître ainsi sur ses « chimères » des yeux, des membres, des flagelles, peut-être des bouches, des estomacs.
En regardant ses dessins, ses sculptures, ses installations et performances, on ne se sent pas totalement désorienté, sans qu’il s’agisse pour autant d’une représentation d’artiste.
Dans ce fragile équilibre entre l’impression de connu et la sensation de n’être pas non plus dans la représentation d’après spécimen, le spectateur hésite, se demande s’il connaît ce qu’il voit, ou bien s’il est en face de quelque chose de tout à fait inconnu, dont
il n’aurait jamais vu le référent.
La séduction de l’oeuvre de Golnaz Behrouznia s’opère à partir de cet instant, ce point de déséquilibre où se tient toujours le spectateur – même s’il fréquente ces oeuvres très régulièrement.
Les voir et les revoir plusieurs fois ne résout pas l’énigme.
Les travaux récents de Golnaz Behrouznia reposent sur une volonté d’interroger les enjeux sociétaux et environnementaux avec les outils mêmes qui ont façonné nos trente dernières années. La présence de formes étrangères, biomorphiques, mélangées à des éléments de paysage urbain reconnaissables, feront éprouver au spectateur le sentiment d’être dans une mutation du monde tel qu’il le connaît. Dans Dissimilarium, c’est la question brûlante de savoir comment habiter le monde, quand il est peut-être une illusion, ou quand il est peut-être déjà trop tard, ou quand l’hybridation a fait disparaître la monade originelle.
CV
Après ses études aux Beaux-Arts de Téhéran, Golnaz Behrouznia prend part à plusieurs expositions en Iran. Ses compositions gélatineuses,
Floating Pieces, sont saluées par le prix de la Biennale de la Sculpture en 2007 au Musée d’Art Contemporain de Téhéran.
Suite à sa formation en création numérique à Toulouse en 2011,
elle présente Labo Organika, une série d’oeuvres guidée par son intérêt
pour le vivant, au musée d’art contemporain de Toulouse les
Abattoirs dans le cadre du festival Novela.
En 2017, elle crée l’installation Lumina Fiction #2, proposant un environnement immersif autour d’une fiction biologique.
Sa performance multimédia ElectroAnima-Experiment créé en
2016, avec François Donato (Live son), propose une version parallèle de l’émergence de la matière et de la vie en 21 phases audiovisuelles.
En 2021, elle crée Dissimilarium 0.2, îlots interconnectés reliés à des datas cosmiques, révélant des mondes imaginables à travers
des lumières et des sons génératifs (en coll. avec François Donato,
et l’astrophysicien Ludovic Montier).
Ses recherches et créations depuis 2020 (Morphogenetic Tensions, Dramaturgy Of Biospheric cycles), s’inspirent de l’équilibre des écosystèmes, de la morphogenèse des formes au sein de nos environnements hybrides (en coll. avec Maxime Corbeil-Perron et Rémi Boulnois).
En 2021, elle imagine Geomorph Momenta, une installation audiovisuelle immersive influencée par les données de rétroactions bio-géologiques au sein de l’environnement terrestre (en coll. avec Maxime Corbeil-Perron et le géochimiste Antoine Cogez). Reverse Phylogenesis (2022) avec Dominique Peysson, est une
installation à la manière d’un musée d’histoire naturelle, qui revisite l’émergence du vivant, l’évolution et interroge la nature de la vie (scénographie Rémi Boulnois, univers sonore Florent Colautti).
Ses dessins, installations et performances ont participé à plusieurs expositions en Iran, en France et dans d’autres pays, notamment à l’exposition collective Vita Nova (Paris, 2015), à la Biennale Bains Numériques, Centre des Arts (Enghien les Bains 2016), à l’événement « Crossing Art, Science and Environment », l’université de Sfax (Tunisie, 2016), au festival Tadaex (Téhéran, 2017), au festival ADAF (Athènes, 2017), au musée GMAC pour le festival OverTheReal (Viareggio, Italie, 2017), au Quai des Savoirs (Toulouse, 2019, 2021), au festival VIDEOFORMES (Clermont-Ferrand,
2017, 2019, 2022), au centre d’art Espace Croisé (Roubaix, 2017), au Palais du Coudenberg pour le festival BEM (Bruxelles 2018), au centre culturel Kino Šiškade (Ljubljana, 2019), au festival Canal Connect (Madrid, 2022).
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Eva L’Hoest (Liège, 1991, Belgique – vit et travaille à Bruxelles ) explore les façons dont toutes les natures d’images mentales, en particulier le souvenir et la réminiscence, trouvent à se re–matérialiser dans une forme technologique. Elle poursuit avant tout l’exploration de la mémoire et de son infime et étrange réalité subsistante. Pièces après pièces, l’artiste s’approprie les technologies de son contemporain pour révéler à la fois leur nature de prothèses d’appréhension du monde et leur potentiel en tant que médium artistique.
Son travail a été récemment présenté à la quinzième Biennale de Lyon, Lyon (France) curaté par le Palais de Tokyo, la Triennale Okayama Art Summit 2019 “IF THE SNAKE” curaté par Pierre Huyghe, Okayama (Japon), « Suspended time, Extended space » Casino Luxembourg (Benelux), « Fluo Noir » (BIP2018, Liege, BE), « WHSS » (Melange, Koln, DE), Mémoires (ADGY Culture Development Co. LtD., Bejing, CH), Trouble Water (Szczecin Museum, Szczecin, PL), « Now Belgium Now» (LLS358, Antwerp, BE), « Chimera : Marcel Berlanger, Djos Janssens et Eva L’Hoest» (Meetfactory, Prague, CZ), « Marres currents #3:Sighseeing » (Maastricht, NL).
Ses films ont été programmés récemment sous la forme d’une performance à la dernière édition du IFFR à Rotterdam, ImagesPassage à Annecy, le MACRo Museum à Rome, les Rencontres Internationales Paris–Berlin en 2018 ainsi que le Visite Film Festival à Anvers.
Mélodie Mousset (*1981, Abu Dhabi, vit à Zurich) utilise son propre corps pour cartographier, indexer et narrer un « soi » qui semble en métamorphose permanente, lui échappant dès qu’elle cherche à en prendre possession. Elle s’intéresse aux processus d’individuation biologiques, techniques, culturels, individuels et collectifs qui forment le corps. Ces questions anthropologiques et philosophiques prennent forme dans des vidéos, sculptures, installations, performances ou de la réalité virtuelle.
Dans le film Intra Aura Mélodie Mousset entreprend une recherche intense et de longue durée pour approfondir cet intérêt pour le corps, son intériorité phsychique et organique. Elle s’approprie des technologies de visualisation médicales (IRM, impression 3D), les met en rapport avec des rites chamaniques des « curanderos » Mazatèques qu’elle rencontre au cours d’un voyage au Mexique et les combine avec un travail plastique et filmographique.
Avec HanaHana, Mélodie Mousset prolonge cet intérêt pour une narration onirique, une curiosité pour la perméabilité des limites corporelles et un détournement artistique des technologies de pointe. En empruntant la forme du jeu interactif et collaboratif, cette œuvre de réalité virtuelle constitue un environnement fantastique immersif. Chacun.e peut générer des formes et laisser des traces de son passage dans ce désert habité par des sculptures archaïques où fleurissent des mains humaines de toutes tailles et couleurs. Les joueuses et joueurs peuvent se téléporter et multiplier leurs corps à l’extérieur d’eux mêmes et, en version connectée, interagir avec des joueurs qui se trouvent à d’autres endroits. L’espace d’exposition devient ainsi un espace partagé, à la frontière de l’intime et du public, virtuel tout autant que réel.
La combinaison de la musique envoûtante avec l’audio interactif, généré en temps réel par les activités et gestes des joueuses et des joueurs, est également une composante essentielle de cet environnement multi-sensoriel. Dernièrement, Mélodie Mousset fouille particulièrement l’aspect interactif et musical de la réalité virtuelle et cherche à développer un nouveau langage de programmation et d’expérience musicale.
La pratique de Mélodie Mousset s’inscrit profondément dans l’expérience d’un monde contemporain déroutant, défini par ce contraste entre le numérique et le corporel. Avec ses œuvres nous sommes amenés à nous questionner comment se positionnent, dans cet environnement de plus en plus dirigé par les technologies numériques, les corps humains physiques, réels, opaques, vivants, remplis d’organes, porteurs d’une intériorité mentale et psychique, avec des recoins riches d’imagination. Comme le dit l’écrivain et vidéaste américaine Chris Kraus : « Mousset’s associative process is so rich. She fully believes in her own imagination and the logical or alogical digressions that shape an inner life. » (424 mots)
– Claire Hoffmann
Justine Emard (née en 1987) explore les nouvelles relations qui s’instaurent entre nos existences et la technologie.En associant les différents médiums de l’image – photographie, vidéo, réalité virtuelle et performance -, elle situe son travail dans un flux entre la robotique, les neurosciences, la vie organique et
l’intelligence artificielle.
De la création d’un dialogue entre un robot androïde et une psychologue (Erika, film de recherche,2016), à la matérialisation de rêves en impressions 3D (Dance Me Deep, 2020), en passant par une performance avec un moine bouddhiste (Heavy Requiem, 2019), ses œuvres tissent de nouveaux récits, issus d’interactions humains-machines et de l’incarnation de données. Dans Co(AI)xistence (2017), elle met en scène une première rencontre entre deux formes de vies différentes : un danseur/acteur, Mirai Moriyama, et le robot Alter, animé par une forme de vie primitive basée sur un système neuronal, une intelligence artificielle (IA) programmée par le laboratoire de Takashi Ikegami (Université de Tokyo), dont l’incarnation humanoïde a été créée par le laboratoire de Hiroshi Ishiguro (Université d’Osaka).
Grâce à un système d’apprentissage profond, l’IA apprend de l’humain, comme l’humain apprend de la machine, pour tenter de définir de nouvelles perspectives de coexistence. Une esquisse des possibilités du futur apparaît dans Soul Shift (2019) et Symbiotic Rituals (2019), lorsque différentes générations de robots commencent à se reconnaître. Leur apparence minimale autorise une projection émotionnelle, en ouvrant un espace pour l’imagination. Le Japon, que l’artiste a découvert en 2012 et où elle continue de se rendre régulièrement, a sensiblement marqué son travail. Au cours de ses multiples séjours, elle a exploré les connexions entre sa pratique des nouveaux médias et la philosophie japonaise ; en particulier le shintoïsme, qui confère un caractère sacré à la nature. Cette pensée animiste, encore vivace à l’époque des technologies connectées, affleure dans Exovisions (2017), une installation composée de pierres, de bois pétrifiés, d’argile prise dans la roche et d’une application de réalité augmentée. Depuis 2016, elle élabore sa série photographique La Naissance des Robots (2016-2020), dans la perspective anthropologique de l’évolution humaine, entre archéologie du futur et robotique androïde. Depuis 2011, elle montre son travail lors d’expositions personnelles en France, Corée du Sud, Japon, Canada, Colombie, Suède et Italie. Elle participe également à des expositions collectives : 7ème Biennale internationale d’Art Contemporain de Moscou, NRW Forum (Düsseldorf), National Museum of Singapore (Singapour), Moscow Museum of Modern Art (Moscou), Institut Itaú Cultural (São Paulo), Cinémathèque Québécoise (Montréal), Irish Museum of Modern Art (Dublin), Mori Art Museum (Tokyo), Barbican Center (Londres).